samedi 24 mai 2014

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Alors que les garçons représentent la majorité des enfants asthmatiques, la situation s'inverse à l'adolescence, avec une prédominance de jeunes filles. En cause : les hormones féminines, qui vont d'ailleurs avoir une influence sur la maladie asthmatique tout au long de la vie des femmes. Cinq pneumologues1 ont décidé de se mobiliser autour de la question de l'asthme au féminin, afin de sensibiliser à la fois le public mais aussi les médecins à ses spécificités.

L'adolescence, la grossesse puis la ménopause sont des moments-clés dans chamboulement hormonal. Nous avons rencontré les cinq spécialistes afin qu'elles nous éclairent sur la question.

L'asthme sous-diagnostiqué chez les adolescentes

L'asthme est une maladie inflammatoire des bronches, qui affecte l'ensemble de l'arbre bronchique, depuis la trachée jusqu'aux alvéoles pulmonaires. Outre la crise d'asthme, très impressionnante, la maladie se manifeste par des symptômes quotidiens qui n'alertent pas toujours les patients : nombreuses sont les personnes victimes de toux chronique ou de bronchites à répétition qui s'ignorent asthmatiques.
En 2006, selon les dernières données de l'Irdes2, la prévalence était de 6,7 % tous âges confondus, en augmentation depuis 1998 (5,8 %). Chez les adolescents, cette part s'élève à 10 %. Et la prévalence serait encore plus élevée chez les jeunes filles, selon le Dr Anne Prudhomme, pneumologue au CH de Tarbes. "Selon une étude menée en 2013, 15 % des adolescentes seraient asthmatiques, mais en fait, 23 % avaient une gêne respiratoire à l'effort et 23,5 % souffraient d'une toux chronique (sans sifflement, comme chez le petit enfant)", souligne la spécialiste qui évoque un sous-diagnostic patent chez les jeunes  la vie d'une femme. Ils le sont encore plus particulièrement chez les patientes asthmatiques, qui peuvent connaître une aggravation de leur maladie à ces périodes de grand filles.

L'asthme prémenstruel

La survenue des règles ne va pas arranger les choses. Environ une asthmatique sur trois souffre en effet d'un syndrome d'asthme prémenstruel, autrement dit d'une aggravation de leur maladie avant leurs règles. Cela se manifeste par des décompensations potentiellement graves aux premiers jours des règles dans un quart des cas, avec une chute du volume expiratoire maximal par seconde (VEMS), mesure-clé de la qualité du souffle, et par une hyper-réactivité bronchique, qui entraîne une inflammation chronique des bronches.
Période fragile sur le plan émotionnel, l'adolescence constitue également une période délicate sur le plan thérapeutique pour les asthmatiques. Comme on l'observe pour la plupart des autres maladies chroniques, l'adolescente rechigne à suivre correctement son traitement de fond qu'elle prenait sans problème jusqu'alors et 38 % ne traitent pas une crise aiguë, rapporte le Dr Prudhomme. "Nous avons un énorme travail d'éducation thérapeutique à mener, en lien avec le déni de la maladie et l'inobservance". Et la spécialiste d'évoquer une sorte de "contrat personnalisé" qu'elle passe avec ses patientes, afin de les accompagner au mieux dans leur passage de l'adolescence à la vie adulte malgré leur maladie.

Asthme et grossesse

La grossesse constitue une autre période délicate pour les femmes asthmatiques, qui représentent environ 8 % des femmes enceintes. En théorie, les choses sont relativement simples, avec une prise en charge extrêmement cadrée, explique le Dr Camille Taillé, pneumologue à l'hôpital Bichat à Paris. "Le traitement est le même que pour tout asthmatique", indique-t-elle, à savoir des corticoïdes inhalés qui correspondent au traitement de fond. Ce traitement doit absolument être maintenu. En pratique, malheureusement, les choses ne sont pas si simples...
En effet, 42 % des femmes enceintes pensent - à tort - que les corticoïdes inhalés sont tératogènes et 20 % arrêtent spontanément leur traitement au 1er trimestre de grossesse, sans en référer à leur médecin.
Or, "mieux vaut suivre ce traitement de fond à base de corticoïdes inhalés que de devoir recourir aux corticoïdes oraux pour traiter une crise d'asthme". Ces médicaments entraîneraient une évolution moins favorable du fœtus, avec un risque plus élevé qu'il ait un petit poids à la naissance et, pour la maman, un risque accru d'hémorragie du post-partum et d'accouchement prématuré. Pour autant, et en dépit de ces risques, traiter une crise est indispensable. "Il y a un consensus sur le fait que la balance bénéfices/risques est largement en faveur des corticoïdes", assure la spécialiste.
Les futures mères ne sont pas les seules à être réticentes à l'égard des corticoïdes. Les médecins, tout comme bon nombre de pharmaciens, sont relativement mal informés sur l'innocuité de ces traitements. "Spontanément, les médecins éprouvent une réticence naturelle à prescrire des corticoïdes oraux à une femme enceinte alors qu'il n'existe aucune base scientifique à cette attitude".
 
Selon une étude, en cas de crise d'asthme, seules 38 % des femmes enceintes reçoivent des corticoïdes oraux, contre 64 % des femmes qui ne le sont pas.
Pour le Dr Taillé, le principal ennemi de l'asthme et de la grossesse est le tabac. Il est donc impératif d'accompagner les femmes asthmatiques ayant un projet de grossesse à arrêter de fumer. Par ailleurs, la grippe constitue une source de décompensation sévère de l'asthme ; la vaccination antigrippale doit donc être proposée aux femmes asthmatiques enceintes. D'autres facteurs sont susceptibles d'aggraver la maladie pendant la grossesse, tels que l'obésité, le reflux gastro-œsophagien qu'il convient de traiter, la rhinite, le stress.

Asthme et ménopause

Enfin, la ménopause constitue une autre période particulière pour la femme asthmatique, explique le Dr Cécilia Nocent-Ejnaini, pneumologue au Centre hospitalier de la Côte Basque à Bayonne. Il a en effet été observé une altération de la fonction respiratoire et une augmentation des symptômes d'asthme chez les patientes ménopausées, plus importantes que chez celles qui ne l'étaient pas.
 
Par ailleurs, l'étude E3N3 a fait apparaître un lien entre la prise récente d'un traitement hormonal de substitution (THS) exclusivement estrogénique et l'apparition d'un asthme de novo chez des femmes allergiques. Un constat qui amène le Dr Nocent-Ejnaini à conseiller aux femmes de consulter en cas d'essoufflement. "Chez une femme sous THS, il faut surveiller sa fonction respiratoire car on doit avoir à l'esprit qu'il peut se passer quelque chose à la ménopause".
Parce que l'asthme de la femme présente des particularités à certaines périodes de sa vie, il convient donc que les professionnels de santé en prennent pleinement conscience et offrent une prise en charge spécifique, plaident les pneumologues.
 

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